Sur la connaissance de Dieu et de soi-même
Je suis candidat à la «maitrise en théologie». Est-ce
possible d’être plus présomptueux que d’avoir le grade de «maitre en
théologie»?
L’un des premiers cours à prendre à DTS c’est
«introduction à la théologie» où l’on parle de la «méthode théologique», des
sources, des méthodes d’interprétation, etc. Tout ça c’est du très bon stock.
Mais vous pouvez comprendre que tout ça a le potentiel de dégénérer... il y a
quelque chose qui pue quand la connaissance de Dieu devient quelque chose de
déconnecté.
Cette semaine j’ai lu dans l’Institution de la religion
chrestienne de Jean Calvin, l’un des documents principaux de la Réforme
protestante, dont la dernière édition est parue en 1559.
Les deux premiers chapitres de l’Institution sont
une leçon pour quiconque prétend «faire de la théologie» ou désire en apprendre
sur Dieu. Calvin écrit son ouvrage en réaction au contexte de la théologie
scholastique médiévale, où certains auteurs partaient d’un point de
départ donné (comme la nécessité de l’existence de Dieu) et procédait ensuite à
toutes sortes de déductions, ce qui transformait souvent la théologie en des «frivoles
spéculations».
Le premier tome de l’Institution porte sur «Dieu le
Créateur et souverain Gouverneur du monde.» Mais le titre n’est pas «Dieu le
Créateur ...», mais «Connaitre Dieu le Créateur ...». Dès les premiers mots,
Calvin efface l’idée selon laquelle on pourrait parler directement de Dieu.
Dieu n’est pas un rat que l’on peut disséquer. On peut parler de la
connaissance de Dieu, mais «parler de Dieu» à proprement dit c’est de mal
connaitre le fossé infranchissable qui nous sépare de lui. C’est seulement dans
la mesure où l’on réalise qu’on ne peut pas parler directement du «Dieu
Créateur» que nous avons un point de départ convenable.
Premier
chapitre : sur la connaissance de Dieu et de soi-même
Calvin commence son ouvrage ainsi :
Toute la somme presque de nostre sagesse [...]
vraye et entière est située en deux parties : c'est qu'en cognoissant Dieu,
chacun de nous aussi se cognoisse.
Toute sagesse vraie et entière se
résume en la connaissance de Dieu et de nous-mêmes. La connaissance de Dieu,
parce que «nul ne peut se contempler et s’empêcher de tourner ses sens au
regard de Dieu, de qui l’Homme vit et a sa vigueur.» Il poursuit plus loin
«D’avantage, par les biens qui distillent du ciel sur nous goutte à goutte,
nous sommes conduits par petits ruisseaux à la fontaine.» La fontaine de
toutes les bontés étant Dieu.
Puis Calvin poursuit en disant que «l’infinité
de tous biens qui réside en Dieu» nous pousse à réaliser «ceste malheureuse
ruine en laquelle nous sommes trébuschez par la révolte du premier homme, nous
contraint de lever les yeux en haut, non seulement pour désirer de là les biens
qui nous défaillent, comme povres gens vides et affamez, mais aussi pour estre
esveillez de crainte, et par ce moyen apprendre que c’est d’humilité».
Pour Calvin, le point de départ de
celui qui veut connaitre Dieu c’est la misère humaine. C’est seulement à partir
du moment où l’humain réalise sa misère et son péché et qu’il est investit d’une
humilité cohérente à sa position, qu’il possède le point de vue propre à
aspirer à la connaissance de Dieu. La seule façon de parler de la vraie
connaissance de Dieu, c’est à genoux, visage contre terre, et d’humblement
lever les yeux vers le ciel. L’humilité est la seule posture de la vraie
connaissance de Dieu. Calvin n’est pas amusé en parlant de la misère, et il ne
fait pas seulement que dispenser de l’information, mais son but est d’affirmer
que la misère de l’un est aussi son opportunité de contempler la bonté de Dieu
et la nécessité de se souvenir de notre perpétuelle besoin de Lui.
Deuxième chapitre : « Ce que c’est de
cognoistre Dieu, et à quelle fin tend ceste cognoissance.»
Le deuxième chapitre établit le but
de l’Institution : la formation de la piété.
«Or j’enten que nous cognoissons
Dieu, non pas que nous nous entendons qu’il y a quelque Dieu : mais quand
nous comprenons ce qu’il nous appartient d’en comprendre [ce qui est notre
intérêt], ce qui est utile pour sa gloire [...]. Car à parler droitement nous
ne dirons pas que Dieu soit connu là où il n’y a nul religion ni piété.» Dieu
n’est pas connu là où il n’y a pas d’amour, de compassion, de justice, etc.
Calvin explique ensuite qu’il est
nécessaire de connaitre Dieu doublement : comme Créateur et comme
Rédempteur en Christ. Il poursuit : «toutesfois il ne suffira point de
sçavoir en confus qu’il y ait quelque Dieu qui mérite d’estre seul adoré, si
nous ne sommes aussi persuadez et résolus que le Dieu que nous adorons est la
fontaine de tous bien, afin de ne rien chercher hors lui.»
Puis encore : «car le sentiment
des vertus de Dieu, est le seul bon maistre et propre pour nous enseigner
piété, de laquelle la religion procède. J’appelle Piété, une révérence et
amour de Dieu conjointes ensemble, à laquelle nous sommes attirez, cognoissans
les biens qu’il nous fait.»
Calvin avance que la piété n’amène
pas à la connaissance de Dieu, mais précisément l’inverse, que la connaissance
de Dieu est connaissance de Dieu seulement dans la mesure où elle mène à la
piété.
Calvin poursuit en condamnant les
vaines curiosités sur Dieu : «Parquoy ceux qui s’appliquent à décider
ceste question [la connaissance de Dieu], asçavoir que c’est que Dieu [quel est
l’essence de Dieu?], ne font que se jouer en spéculations frivoles. »
Il poursuit : «De mesmes de quoy servira-il de cognoistre un Dieu, avec
lequel nous n’ayons que Faire? Plustost la cognoissance que nous avons de luy,
doit en premier lieu nous instruire à le craindre et révérer : puis nous
enseigner et conduire à chercher de luy tous biens, et luy en rendre la louange.»
Calvin n’est pas un fan de «faire de
la théologie» ou de s’adonner à des abstractions de l’esprit et à des
spéculations frivoles. Il se contente de connaitre de Dieu le caractère qu’il a
lui-même révélé dans sa Parole.
Je suis peut-être candidat à la maitrise en théologie, mais en réalité je ne fais que babiller.
[-Il n’y a rien de vraiment mal avec le terme théologie. C’est
un mot utile. Il devient pernicieux quand ça devient un jeu spéculatif assaisonné
d’arrogance.
Si vous voulez lire l’Institution de Jean Calvin,
l’ouvrage est libre de droit et téléchargeable sur Internet. Si le français
classique ne vous tente pas, vous pouvez acheter une version anglaise qui sera
plus accessible (pourvu que vous lisiez l’anglais...). Confession : je
m’aide avec ma traduction anglaise de l’Institution pour comprendre
certaines phrases).]
Quelques nouvelles et requêtes de prière
Il me reste 13 jours avant de prendre l’avion pour le
Saguenay et une production scolaire très importante à produire d’ici là. Je vais
avoir le temps de tout bien faire, mais ce sera vraiment serré. Je vais très
bien cependant, je suis en forme, productif et je compose bien avec mon peu de
sommeil. Je travaille présentement sur mon deuxième projet exégétique sur un
passage assez palpitant, Éphésiens
5:22-33 (v. 21-22 « ... vous soumettant les uns aux autres
dans la crainte de Christ, les femmes à leurs maris comme au Seigneur ».
Sensible, mais palpitant. AH ! Fouillez les écritures, c’est laisser ses
conceptions de côté. Tu laisses à la porte ton idée des relations
hommes-femmes, que ce soit l’autoritarisme, le patriarcat, l’égalitarisme, ou n’importe
quel -isme. Le message de la Bible est incroyablement pertinent. Je suis tout
simplement fasciné par mes investigations des derniers jours.
Je ne pense pas que je ferai de blog la semaine prochaine
(j’aurai besoin du temps pour clore la semestre) et la semaine d’après (je
serai au Québec). Si vous avez des questions, des requêtes ou vous voulez
échanger, évidemment je serais heureux d’être en contact avec vous.
Requêtes : (1) endurance, persévérance, productivité,
concentration et acuité intellectuelle dans ces derniers 13 jours du semestre;
(2) que je puisse acquérir « la vraye cognoissance de Dieu »
qui « doit nous instruire à le craindre et révérer : puis nous
enseigner et conduire à chercher de luy tous biens, et luy en rendre la louange.»;
(3) choix d’un stage pour l’été 2015 et sagesse dans mes décisions.
Merci beaucoup de me lire, de me supporter financièrement
et de prier pour moi. Je vous souhaite une bonne semaine.
Marc-André Caron