samedi 27 février 2016

Jésus sur un âne - quelques réflexions sur la douceur dans le NT

Dans le film « la liste de Schindler, » en discutant des prisonniers du camp de concentration, Oskar Schindler (protagoniste) discute avec Amon Goeth:

« Ils nous craignent parce que nous avons le pouvoir de tuer arbitrairement. Un homme commet un crime, il devrait savoir ce qui l’attend. On le fait tuer et on se sent bien, ou nous le tuons nous-mêmes et on se sent encore mieux. Ce n’est pas la puissance... c’est la justice. C’est différent de la puissance. La puissance c’est quand tu as toutes les justifications de tuer, mais que tu ne le fais pas. » [Voir le clip en question ici (anglais)]

La bonté de Dieu se voit dans la façon dont il agit en dehors de ce qu'il serait en droit de faire. L'un des traits fascinants de Jésus, c'est sa douceur. C'est l'exemple de sa vie, et c'est ensuite récupéré comme quelque chose qui doit caractériser tous les chrétiens, et particulièrement les leaders des églises. Si on vous demandait d'énumérer à froid des caractéristiques de pasteurs, la douceur serait-elle dans la palmarès?

Le lexique BDAG définit le terme grec souvent traduit par « douceur » par « la qualité de ne pas être trop impressionné par le sentiment de sa propre importance, » ce qui est traduit en français par « douceur, humilité, courtoisie, considération, mansuétude (?!) ». Ce mot et ses termes apparentés sont présents à 16 endroits dans le NT,[1] et dans la traduction grecque (la Septante) de l’AT, 24 fois.[2]
Amy Dick - http://www.bowdencollections.com/journey-to-the-cross.html



Cette douceur / humilité décrit tout le ministère de Jésus : le Dieu de l’univers incarné, née dans une crèche et qui se soumet volontairement à la crucifixion. Dans son entrée à Jérusalem, il n’entre pas comme le messie militaire triomphant qui bombarde les Romains, mais comme le roi de paix, assis sur un âne :



Matt 21:2 - Voici, ton roi vient à toi,
Plein de douceur, et monté sur un âne,
Sur un ânon, le petit d'une ânesse.

Cette qualité est reprise par Paul et Pierre dans l’église naissante. C’est la première caractéristique d’un apôtre : « Que voulez-vous? Que j'aille chez vous avec une verge, ou avec amour et dans un esprit de douceur? » Comme un bon Père, c’est « par la douceur et la bonté de Christ » (2 Cor 10:1) que Paul tente de persuader, parce que la gentillesse désarme.
Cette gentillesse/douceur est déversée dans le cœur du croyant par l’Esprit Saint (Gal 5:23; 6:1) et elle permet de reprendre une frère ou une sœur dans la foi qui est dans l’erreur (Gal 6:1).  C’est l’habit de ceux qui sont élus de Dieu (Col 3:12) et c’est celle-ci qui maintient l’unité et l’harmonie chez les chrétiens : « Je vous exhorte donc [...] à marcher d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec amour »  (Eph 4:1-2).  
La douceur doit être la recherche de tous les chrétiens (Tites 3:2). Quand « les autorités » et les non-croyants demandent la raison de notre foi, c’est avec douceur et gentillesse, même lorsqu’il y a injustice, que cela doit être fait (1 Pi 3:16). Ainsi la douceur et l’humilité des croyants ne doit pas être qu’une affaire à l’intérieur des murs de l’église : elle doit s’étendre à tous. Cette douceur et cette amour doit être en spectacle devant tous : « Lequel d'entre vous est sage et intelligent? Qu'il montre ses œuvres par une bonne conduite avec la douceur de la sagesse » (Jac 3:13). Spicq dit : « c’est ainsi une caractéristique du comportement chrétien, une marque de commerce de celui qui possède l’amour [de Dieu]. »[3]
Jacques 1:20-21 met en contraste la gentillesse avec la colère, en référant au caractère de celui qui est ouvert à être instruit par la Parole. La gentillesse est l’une des marques de celui qui est vraiment sage et intelligent (3:13)
Dans cinq des 16 références dans le NT, le terme est utilisé en relation à un responsable d’Église.[4] Le serviteur de Christ doit exercer sa douceur particulièrement lorsqu’il corrige ceux qui causent des problèmes (2 Tim 2:25), et c’est par la douceur que le leader demeure calme et qu’il ramène l’errant à la raison. C’est la douceur que Paul recommande à Timothée de rechercher : « Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses, et recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur » (1 Tim 6:11). Il semble qu’il s’agisse d’une vertu indispensable pour le pasteur, si il veut demeurer serein et propre au service, plutôt que réactionnaire et agressif.
N’est-ce pas fascinant que Christ est venu sur Terre avec douceur et humilité? Il était en droit d’être tout sauf doux lorsqu’il est entré dans cette Jérusalem qui allait le crucifier.
La gentillesse, l’humilité et la douceur n’ont pas vraiment la cote dans un monde où il faut piller sur une couple d’orteils pour avancer. Les vantards et les agressifs ont définitivement plus de succès. Mais cela n’a rien avoir avec ceux que Christ a appelé.
Il y a là matière à réflexion.  

Quelques nouvelles et requêtes de prière
Je mentionnais dans les semaines précédentes que j’avais beaucoup à faire. Ma grosse date de remise c’est jeudi le 3 mars. Merci d’avoir prié, mes travaux progressent bien. J’apprends beaucoup et je m’en réjouis. Je commence à avoir hâte à l’été; de revenir au Québec et de servir dans différents ministères. Ça fera un changement de rythme très apprécié de ce que je fais depuis 2 ans.
Requêtes : (1) discipline, concentration, acuité intellectuelle; (2) que je grandisse en humilité/gentillesse (c’est de contexte, n’est-ce pas?) et en sainteté; (3) que je puisse parvenir à bien me préparer pour le cours que je donnerai à Parole de Vie en Mai -> ce n’est pas facile avec mon horaire au séminaire.
Je vous remercie du soutien que vous manifestez de toutes ces façons : vos prières, vos dons et vos encouragements. C’est de tout cœur que je remercie Dieu pour vous.
Marc-André Caron



[1] Les noms πραϋπαθία et πραΰτης et l’adjectif πραΰς. Matt 5:5; 11:29; 21:5; 1 Cor 4:21; 2 Cor 10:1; Gal 5:23; 6:1; Eph 4:2; Col 3:12; 1 Tim 6:11; 2 Tim 2:25; Tites 3:2; Jacques 1:21; 3:13; 1 Pi 3:4, 16
[2] Nom 12:3 (il est dit de Moïse qu'il est l'homme le plus "patient" (doux) sur la surface de la Terre); Ps 24:9; 33:3; 36:11; 44:5; 75:10; 89:10; 131:1; 146:6; 149:4; Job 24:4; 36:15; Joël 3:11; Soph 3:12; Zach 9:9; Esa 26:6; Dan 4:16 [la versification de certaines références est peut-être fautive par un verset; la versification de la Septante étant légèrement différente.]
[3] TLNT, Spicq III:169-170. Voir aussi TDNT F. Hauck/S. Schulz 6:645-61
[4] 1 Cor 4:21; 2 Cor 10:1; 1 Tim 6:11; 2 Tim 2:25; Tites 3:2


mardi 16 février 2016

Fin de semaine en Nouvelle-Orléans + le Jésus historique?

En fin de semaine j’étais en Louisiane pour le forum Greer-Heard, un événement annuel tenu par le séminaire baptiste de Nouvelle-Orléans.

Ehrman, Hurtado, Gathercole, Martin, Knust, Bird
Le vendredi soir, un débat s’est tenu sur la question « comment Jésus est-il devenu Dieu? » Et le samedi, six essais académiques furent lus sur le sujet. Six professeurs étaient invités, trois favorables à la l’idée selon laquelle le Jésus historique affirmait lui-même être le Christ (Michael Bird, Ridley College; Larry Hurtado; Edinburgh; Simon Gathercole, Cambridge; ces trois sont des académiciens évangéliques) et trois autres affirmant que le Jésus historique est devenu le Christ au dans les yeux de ces supporters dans la période de 15-20 ans entre sa crucifixion et la publication des premiers documents du Nouveau Testament (Bart Ehrman, Chapel Hill; Jennifer Knust, Boston; Dale Martin, Yale).

La question elle-même, « comment Jésus est-il devenu Dieu, » est choquante, puisque les évangéliques affirment la divinité de Jésus : ils se demandant plutôt « comment Dieu est-il est devenu Jésus? » Pour le bien-fondé d’une discussion académique, il fallait convenir d’une question scientifiquement neutre, donc qui ne présume pas le super naturel.

Les discussions furent enrichissantes, quoique très techniques, voire mêmes absurdes sur certains points.

Notre itinéraire
Pour les profs Ehrman, Knust et Martin, le Jésus historique fut un prophète apocalyptique galiléen qui fut crucifié pour ses positions politiques... et qui fut divinisé progressivement par ses disciples. Si on présume une vision du monde naturaliste, il faut s’en tenir à une explication de la sorte.

La chose qui m’a frappé le plus c’est que deux des panelistes, les profs Knust et Martin, professaient une foi chrétienne. Ce sont des chrétiens libéraux, c-à-d qu’ils considèrent que la Bible est un document purement humain et que le surnaturel n’existe pas. D’un côté, ils professaient le crédo historique de l’Église,[1] tout en ne reconnaissant aucune valeur historique à celui-ci.

Je comprends totalement la position de Ehrman : il est agnostique, voire athée et il offre une explication naturelle pour l’apparition du christianisme. Mais ceux-ci adhéraient à une variation [tordue] de la foi chrétienne historique, tout en reniant sa fondation même.

« Je vous rappelle, frères, l'Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous avez persévéré,
2 et par lequel vous êtes sauvés, si vous le retenez tel que je vous l'ai annoncé; autrement, vous auriez cru en vain.
3 Je vous ai enseigné avant tout, comme je l'avais aussi reçu, que Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures;
4 qu'il a été enseveli, et qu'il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures;
[...]
17 Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés,
18 et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus.
19 Si c'est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes.
(1 Corinthiens 15)


L’incarnation c’est Dieu qui met le pied dans le cadre de porte de l’univers. Notre foi vit ou meurt sur la réalité de la résurrection.
...

Donc c’était un voyage plaisant. J’en ressors très content d’être au séminaire de Dallas. Il y a des hérésies de toutes sortes dans le monde : des hérésies de ruelle et de niveau universitaire. C’est un rappel de l’importance de ce que je fais ici. Notre foi n’est pas une thérapie communautaire; notre foi n’est pas juste un beau paquet de conseils moraux : c’est la clef de voûte de tout l’univers.

Il n'y a de salut en aucun autre; car il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés.
(Actes 4:12)

Que ce soit moi comme future pasteur ou n’importe qui dans n’importe quelle situation, Dieu a choisi son Église pour manifester sa sagesse dans l’univers. Représentons-le avec toute notre force.

Quelques nouvelles et requêtes

...
Pour être honnête, je vis quelque peu de stress ces temps-ci. Jusqu’à la semaine de lecture (4 mars), le rythme sera vraiment intense. Je vous demande de prier (1) productivité, performance, discipline, endurance (2), que tout cela puisse m’édifier (en contraste avec des efforts purement académiques), (3) stage au Québec 2016.  

J’apprécie énormément ce que je fais ici. Encore une fois, je suis le séminariste le plus béni du monde. Je suis reparti de la Nouvelle-Orléans avec un sens renouvelé de l’importance de ce que je fais ici et de l’importance capitale du témoignage de l’Église dans le monde jusqu’à ce qu’Il revienne.

Merci pour votre support,

Marc-André




[1] Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre.
Et en Jésus Christ, son Fils unique, notre Seigneur ; qui a été conçu du Saint Esprit, est né de la Vierge Marie,
a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers ; le troisième jour est ressuscité des morts,
est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts.
Je crois en l’Esprit Saint, à la sainte Église catholique [universelle], à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle.